Qui n’a jamais regardé ces petites fourmis défilant, affairées, sur leur trajet bien déterminé ? Je me souviens l’avoir toujours fait, de l’enfance à l’âge que j’ai. Généralement, je les regarde distraitement, tout en lisant, assise sur une marche de l’escalier qui descend au jardin. Un jour de ma soixante huitième année, j’ai eu envie d’écrire ce texte-là : une petite fourmi, la numéro 68, se trouve, par amitié, entraînée à agir différemment de ce qu’elle a toujours fait. Son ami le puceron, lui posant des questions, elle doit se mettre à regarder, ressentir, réfléchir, toutes choses que, le nez sur le derrière de la fourmi 67 qui la précède, affairée à ses tâches programmées, elle n’avait jamais faites. Elle prend la tangente, et cela étant, commence à voir le monde, les autres, et elle-même, bien différemment.
J’ai eu 20 ans en mai 68. Et j’étais alors étudiante à Paris-Sorbonne. Cette période très brève, a été une explosion folle de vie et d’idées neuves. J’en ai gardé cette idée forte : ouvrons tout grand nos yeux, nos oreilles, nos bras, cela nous ouvrira l’esprit et le monde à la fois. Allons, au risque de nous perdre, et quand nous ne savons pas, imaginons. Voilà le thème de » Fourmidable » paru en Petite Poche chez Thierry Magnier ( qui y a peut-être trouvé résonance à sa profession ! )