Le texte est d’Olivier Douzou, les dessins de Charlotte Mollet. Ce livre, très bref, a été publié aux éditions du Rouergue.
C’est l’histoire, vraie, extraordinaire, de Michel Navratil, né en Tchécoslovaquie, et qui à l’âge de 4 ans, en 1912, embarqua avec son père et son frère Edmond sur » un bateau immense, merveilleux, le plus beau géant de tous les océans » : le Titanic.
Ils avaient « trois billets de seconde classe et les bagages de ceux qui partent pour toujours. »
La composition du texte suit le cours de ces heures tragiques, à hauteur des souvenirs du petit Michel, un des 711 rescapés qui arrivèrent à New York. Mais ce qui rend ce texte si beau, si prenant, c’est la façon dont l’épisode tragique nous est raconté. En effet, depuis le début du texte, avec cette expression » les bagages de ceux qui partent pour toujours » nous comprenons qu’il y a déjà, avant la tragédie que chacun connaît, un autre drame, plus intime, vécu par l’enfant qui partait, une séparation en annonçant une autre. Tout est en place, comme dans un drame antique, et c’est avec une grande douceur, une grande économie de mots, en laissant beaucoup de place au silence, qu’Olivier Douzou et Charlotte Mollet nous font entendre la voix de cet ancien petit garçon qui perdit sa mère, puis son père, avant de retrouver sa mère, et par ce livre, la voix de son père.
La dernière page nous livre la conclusion du Michel Avratil de 89 ans, devenu, nous dit-on, philosophe. Qu’est-ce, au fond, qu’un philosophe ? Cela l’histoire ne nous le dit pas. Mais si c’est, comme on nous l’apprend en classe, quelqu’un qui essaie de penser rationnellement les choses du monde et de la vie, Michel Avratil était parti de loin et a eu bien du mérite.
Si j’aime particulièrement ce livre, c’est qu’il avance de façon impressionniste, nous donnant à voir, à entendre, la mer, la musique, le chaos, et à la place du vacarme affreux des cris, la tension extrême du silence. Et comme pour Kay, dans le conte d’Andersen, dans le coeur de Navratil, tout au long de sa vie, le glaçon pour toujours enfoui.