Ma chatte, noire, adorable, vous avez une photo d’elle quelque part, je ne sais plus où, avait déjà mené à bien deux portées, doublant la mise à chaque fois : deux chatons l’an dernier, quatre cette année.
Chez nous, il y a de l’espace, c’est vrai, mais pas au point de monter une ménagerie ! D’autant que, je me connais, si un pauvre chat estropié, genre réfugié d’une quelconque guerre avoisinante non répertoriée dans les journaux sérieux, ou même un pauvre chien qui a largué ses maîtres trop autoritaires et vient mendier la laisse dans la gueule, ou tout autre animal à deux ou quatre pattes déboulent, je me ferai un devoir de ne pas les laisser sans gîte et sans gamelle.
D’où ma décision, pénible pour ma chatte comme pour moi, de nous stériliser : elle, de ses maternités, moi, de ma tendance à me mettre à sa place.
Donc, direction notre charmante vétérinaire, devenue quasiment un membre de la famille, qui a vu naître et dé-naître plusieurs générations de nos félins et est imbattable dans leur généalogie pourtant pas à piquer des vers !
Et je lui confie notre Shadow pour quelques heures dont elle ressortira allégée mais reprisée comme une chaussette.
En fin de journée, je viens la rechercher, en voiture Simone, je suis garée tout près, une chance inouie. Je sors du cabinet, portant la chatte terrée au fond de son clapier ambulant, mon portefeuille et la clé de la voiture dans l’autre main, le carnet médical de la chatte entre les dents. Je tends la clé vers la voiture qui, telle la grotte d’Ali Baba déclamant – Sésame, ouvre-toi ! doit, à l’instant, sur ce geste, s’ouvrir toute seule.
Or non.
Je pose la caisse sur le trottoir : – pardon Minette, y’a un p’tit hic !
Et, posant sur le capot ce qui me reste en main je renouvelle le geste à deux mains cette fois pour plus d’efficacité.
Toujours rien. Porte scellée, Sésame rien à foutre !
Comme je n’ai pas quatre mains, ni huit, ni seize, que je ne suis pas adroite avec mes pieds, que j’ai la bouche prise par le carnet de santé, je recommence, bêtement, avec ce que j’ai, comme si, en insistant, ça allait bien finir par réveiller le charme et l’auto.
Mais que dalle.
La moutarde me monte au nez, je crache le carnet, et je m’écrie en pleine rue, catastrophée !
– Bah voilà ! Et comment je fais, moi, maintenant, avec la caisse, la chatte amputée de son attribut du sujet, la bagnole garée dans une rue où chaque minute coûte bonbon, et la portière qui fait la gueule ? Hein ? Comment je fais ? Je la ramène à pinces à la maison, ma pauvre Shadow ? Et demain je me paie un lumbago du diable ?
Et je balance un coup de pied dans cette foutue portière à la noix, au nez et à la barbe du public indifférent qui circule le nez au vent, profitant de la douce soirée qui vient.
C’est alors qu’une voix, non divine, non tombée du ciel mais cependant miséricordieuse et miraculeuse, me sussure : – Vous avez essayé de mettre la clé dans la serrure ?
Un homme. Un passant.
Un homme-passant que l’électronique-ta-mère n’impressionne pas plus que ça.
Je murmure, éberluée, incrédule :
– Vous croyez ?
Il a interrompu sa marche, une minute, et il m’encourage :
– Faites, et vous verrez bien…
Je fais. Et je vois bien.
Et c’est LA REVELATION !
Je VOIS de mes propres yeux que oui, quand je mets la clé dans la serrure et que je la tournicote un chouïa, à l’ancienne en fait, et bien ça marche ! La portière s’ouvre. Comme avant ! Avant cette saloperie de petit boîtier électronique qui fait si bien tout à ma place que j’ai complètement oublié qu’une clé pouvait s’introduire manuellement dans une serrure et qu’un léger coup de poignet était aussi un Sésame parfait.
Me quittant sur un sourire ( à peine narquois ?) le passant finit de passer, me laissant aussi admirative devant ma voiture ouverte qu’Ali Baba devant sa grotte à trésor.
Ma chatte ne dira rien, je peux compter sur elle, (de toute façon elle est à moitié droguée cette pauvre bête …) et mon mari a la courtoisie de ne pas faire de commentaire…
PS. Depuis quelques jours, ma télé ne répond plus non plus aux télécommandes. Elle fait semblant de bosser : – attendez, je me réinitialise…
un truc comme ça.
Moi, bonne pomme, j’attends. Toute mère sait attendre, à force on a ça dans le sang !
Et puis, au bout de dix minutes, l’écran me parle : – Ah bah non, zut. Appelez votre centre trucmuche !
Et comme c’est pas un gamin, pas moyen de le priver de télé, de dessert, de bonbon, de tablette même pas en chocolat, de l’envoyer au lit !
Je cherche la clé, j’appelle les passants, je demande à la chatte ce qu’elle en pense, j’examine les piles, les connes- exions, j’engueule les chatons rescapés : – c’est vous qu’avez bouffé les fils ou quoi ?
Pas de clé, les passants passent, les chatons, ces Ponce Pilate à moustaches, s’en lavent les pattes. Bon, puisque c’est comme ça, vous l’aurez voulu ! Je prends un livre.
Pas mal d’ailleurs.
Je vous en reparlerai.
Il m’est déjà arrivé de sauver ainsi de l’enfermement extérieur une brave dame comme toi, qui appuyait frénétiquement sur une clef inopérante.
La bise, chère Jo déconnectée…
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ouf, merci Didier ! Je me sens moins seule…
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Le preuve, Jo, que tout ça te chamboule, c’est dans ton titre:
Tu as seulement écrit le « M » de Mère alors que tu as écrit « Nique » en toutes les lettres.
On perd nos repères…
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rentrée : retour de vacances entre perd et mer…
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