IL Y A TOUJOURS UN OISEAU

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C’est un bel et grand album comme il m’a peu été accordé d’en faire, à mettre sur la même étagère que  » La grande peur sous les étoiles », « les petites filles dansent », « la géante Solitude », « A pas de louve ».
Pour ceux qui aiment lire un texte poétique, profond, mystérieux.
J’ai pensé à l’écrire au soir des attentats du 13 novembre 2015. Pour les enfants. Afin qu’ils puissent avoir en tête autre chose que les images affreuses qui passaient en boucle sur les écrans de nos télévisions et qui n’avaient aucun sens.
Aborder l’effroi, l’indicible, autrement.
Comme on l’a toujours abordé dans le passé, avec humilité, par le conte.
Un prince a tout perdu : son château, ses biens, et même celui qu’il aimait par-dessus tout. On lui a tout pris, on lui a tué son ami. Il ne s’est pas même battu, ne sait pas s’il en aurait été capable. Il n’était pas là, il n’a pu que constater, à son retour, qu’il n’avait plus rien. Le désespoir l’a pris, qu’il est allé cacher au fond d’une forêt.
Là, les bêtes l’attendaient, qui vont l’accompagner, elles savent, elles, que c’est quand on se croit tout au bout de tout, dans le noir complet de la forêt, qu’advient l’oiseau.
Cet oiseau nourrira son chant des larmes versées, avant de s’envoler.
Alors seulement, celui qui avait tout perdu, retrouvera l’espoir, l’envie de vivre, de retourner auprès des autres, de les aimer.
Les enfants, et nous, n’avons pas besoin de nous gaver d’images, de sons, de mots, insensés, racoleurs. Aux actes commis par les haineux et les insensés, de grâce, ne répondons pas de même.

Je ne raconte pas,
je ne traduis pas,
je ne montre pas,
Je convertis.

Je change de mesure.

Que l’enfant sente, par notre lecture, qu’aucun être sur terre ne mérite la haine des autres, mais qu’elle est, qu’elle existe, comme le noir qui soudain nous prive de tout. Mais cependant, et se nourrissant du noir comme du reste, tout autant, la lumière, la tendresse, l’apaisement et la joie, même, reviennent. Toujours.
Non parce qu’elles sont plus fortes que la haine, ni que le vie est plus forte que la mort, cessons ces combats de mots tout aussi stériles que les combats de coqs. Mais, beaucoup plus simplement, à cause de ce qui fait qu’il y a à toute chose un envers ET un endroit, un matin ET un soir, un hiver ET un printemps.
Un jour ET un autre jour.

Et le vent qui fait bouger les feuilles, et nous pousse.

Pour ce conte qui en est à peine un, l’album a bénéficié du talent de Frédérick Mansot que les amoureux de la littérature jeunesse connaissent bien. Il a composé de somptueuses illustrations, peintes sur du tissu Liberty ( on en voit la trame à chaque page et sur l’intérieur de la couverture ) et a fait en sorte que tout dise, tout parle, et raconte, et même le tronc de l’arbre où se grave, dans l’écorce noire, les malheurs du monde, et même les bêtes qui nous représentent, bêtes que nous sommes, quand nous tentons de consoler celui qui vient, perdu, éperdu.

Une belle citation de Marie Noël que plus personne ne lit maintenant, mais dont je fus, en mes jeunes années, un peu voisine, est écrite à la première page de cette histoire :
 » Qui pourra maintenant retrouver ta douleur ?
Rien n’en reste, rien qu’un chant d’oiseau, sublime.
Ah ! Quelle délivrance est au fond de l’abîme »

C’est une histoire qui délivre.