
Je ne connaissais pas encore cet auteur et me suis fait offrir ce livre après avoir lu quelque chose sur elle, je ne sais plus où, je ne sais plus quand, mais me restait l’impression que je pouvais aimer.
Eh bien, pas déçue !
C’est impertinent et drôle, dixit la quatrième de couverture qui ne nous allèche pas pour rien, car ça l’est, effectivement.
Est-ce autobiographique ? En tout cas, on dirait bien. C’est écrit à la première personne du singulier et le mot singulier n’est pas usurpé !
Deborah Lévy, donc, ou son avatar, nous raconte sa vie d’écrivain parvenue à l’âge ( la soixantaine) où elle se retrouve seule, les enfants partis, et cherchant un lieu où atterrir. Elle a en tête une maison qu’elle rêve, augmente et embellit à mesure de ses envies, et selon ce qui lui arrive dans sa vraie vie, si tant est qu’on ait une vraie vie quand on passe la plupart de son temps à imaginer… Ce qu’elle pense, elle l’écrit, ce qu’elle fait, elle l’écrit, ça ne coïncide pas toujours, loin s’en faut. Elle fait le bilan de ce qu’elle a, de ce qu’elle n’a pas ou plus, de ce qu’elle a perdu, de ce qu’elle pourrait avoir ou pas, tout cela s’emmêle dans sa tête et elle ne le démêle pas pour nous, pensant, sans doute à raison, qu’on est bien toutes comme elle et que donc, on se comprendra !
Cette maison qu’elle n’a pas, elle ne la cherche pas vraiment ; elle l’imagine dans tous ses détails – mais parfois elle se ravise sur un truc ou un autre, et sur le paysage qui l’entourera et qu’elle compose aussi, petit bout par petit bout, pr petites touches, à la façon d’un tableau, ou d’un puzzle. Et en même temps, elle voyage à travers le monde, et nous embarque donc, bonnes copines, avec elle. Londres, New York, Mumbaï en Inde pour un festival littéraire, Paris – le 18ème arrondissement, Berlin… Entre chacune de ces villes, petit retour dans son cabanon londonien et auprès de son petit dernier, un petit bananier. Ses pensées, qu’elle nous fait partager, sont tout autant et en même temps réalistes, politiques, romanesques, féministes, drôles, tristes, gourmandes… On rencontre ses amis, son meilleur ami ! qu’elle ne nomme jamais qu’ainsi, tout emmêlé dans son mariage avec une femme qui ne lui dit pas qu’il la rend heureuse alors qu’il est sûr que c’est pourtant bien le cas, et qu’il trompe avec une autre puisque c’est comme ça ! Une meilleure amie, seule aussi, mais qui veut un amant pour lui tenir chaud aux pieds cet hiver point barre ! Et avec eux, ces échanges vifs et drôles, une vie impertinente, à la recherche du et des plaisirs, ce qui n’est pas si bête quand on en est là dans la vie, cette vie chaque jour inventoriée, et réinventée en conséquence de l’inventaire.
C’est le récit diablement intelligent, subtil, et vraiment très drôle d’une écrivaine de notre époque, post Virginia Woolf mais qui n’en a pas fini avec les aménagements et les travaux nécessaires à l’exercice insensé qu’est l’écriture de soi, de sa vie et de celle des autres.
C’est aussi, et c’est ce que je préfère, je crois, les méandres d’une pensée qui se cherche et bifurque sans cesse, la construction d’une maison fantôme meublée et peuplée de fantômes qu’elle convoque pour pallier aux désillusions de la vie plus réelle, qu’elle fait apparaître et disparaître comme ça, en claquant des doigts, et qu’elle révise, replace, remplace, pour que le rêve avance en même temps que la vie.
Sa description de la vie d’un écrivain à Montmartre et ailleurs – mais je peux moins en juger – n’est cependant pas la vie de n’importe quel écrivain… Elle a beau ne pas rouler sur l’or, elle ne semble pas non plus être – comme plein d’autres que je connais un peu, – sur la paille ! Elle va sans cesse au resto, s’offre de belles chaussures, du parfum, est bien logée. C’est une vie instable mais plaisante, d’écrivain qui a bien réussi. Et comme je connais très bien les endroits de Paris qu’elle décrit parfaitement, et sans les caricaturer, la lecture m’en a été d’autant plus agréable.
C’est en cours de route que je me suis aperçue qu’en lisant cet » Etat des lieux » qui me plaisait vraiment bien, j’avais commencé par la fin ! Deborah Levy écrit une trilogie autobiographique dont le premier volume était » Autobiographie en mouvement » , que j’ai donc zappé.
Mais je vais me rattraper, et la rattraper si je peux, car son écriture est pleine de vitalité, et elle court drôlement vite, pour ses 60 ans !